Nouveauté shôjo du mois d’août sorti chez les éditions Akata, Rouge Éclipse est un titre qui ne vous rendra peut-être pas complètement fous par son graphisme assez limité mais qui parviendra à garder l’intérêt de lecture intact du de sa première à sa dernière page.
Les échanges de corps, ce n’est pas nouveau dans les mangas. Ça ne l’est même pas dans les shôjo. Preuve en est que Pika vient de sortir Me, Myself and I sur le même principe… Enfin, pas tant que ça au final. Les deux titres n’ont même rien à voir entre eux.
Quand le titre de l’éditeur de L’Attaque des titans mise tout sur l’humour, celui d’Akata va plutôt chercher à s’intéresser aux émotions et aux conséquences psychologiques d’un changement des fameux body swaps.
Il y a quelque chose dans Rouge Éclipse qui rend la lecture incroyablement plaisante et surtout très prenante. Une fois ouvert, impossible de refermer sans arriver à la fin, les aventures d’Ayumi/Zenko prennent une tournure bien trop intéressante pour que le lecture cherche à s’arrêter.
Ayumi n’est pas une fille que l’on pourrait qualifier de banale. Physiquement, elle est plutôt attirante et pourtant, elle garde les pieds sur terre. Elle ne se moque pas des autres, ne tire pas vraiment avantage de son charme comme le font si bien les gals que l’on peut retrouver dans certains mangas. Sa bonne éducation et son hygiène de vie irréprochable la rendent peut-être même plus intéressante.
Même une fois dans le corps de Zenko, sa mentalité ne change pas et c’est pour ça qu’elle parvient à conserver un pan de sa vie sociale. Ses amies, même si elles ne se doutent pas qu’elle a changé de corps, vont être réceptive à son caractère, à sa gentillesse et à son envie de se rendre disponible. C’est d’ailleurs en restant fidèle à ses principes qu’elle va être repérée par Kaga, un garçon qui était amoureux d’elle depuis longtemps.
Même coincée dans un corps que l’on pourrait comparer à celui d’Elizabeth dans Gintama (ceux qui connaissent la série d’Hideaki SORACHI publiée chez Kana savent que ce n’est pas un compliment), les sentiments du jeune garçon lui ont permis de percer à jour le secret de celle qu’il aime véritablement.
À l’opposé, son « soit-disant » petit-ami, Shirô, n’y voit que du feu ou plutôt, il s’en fiche complètement. On se rend compte rapidement qu’il n’était absolument pas intéressé par la personne mais par le corps.
KAWABATA lance donc une petite pique à tous les amoureux superficiels qui ne jurent que par le physique en présentant un amour qui parvient à transcender le surnaturel. Presque platonique, les sentiments de Kaga sont purs et surtout véritables, tout l’inverse de ceux de Shirô.
La mangaka parvient aussi à utiliser le concept de l’échange de corps intelligemment. Même si ce n’est pas d’un escalier (petit clin d’oeil à Yamada-kun & the Seven Witches), il est quand même question de tomber pour réaliser l’échange puisque Zenko va se jeter du toit de l’école alors qu’Ayumi regarde pour lui « prendre » son corps.
Les conditions très strictes viennent tenter de rationaliser cet élément surnaturel apporté par la lune rouge et on finit par accepter assez rapidement cette bizarrerie de la ville d’Akatsuki sans trop se poser de questions, preuve de l’intelligence narrative de l’auteure qui nous enlève toute volonté de doute.
S’il y a bien une chose qu’elle fait avec talent, c’est le découpage. Il est assez rare de tomber sur une dessinatrice qui maîtrise aussi bien l’utilisation des gros plans. Elle sait exactement quand ils sont nécessaires et n’hésitent pas à la placer pour mettre une petite claque au lecteur, que ce soit dans une simple case dont la taille aura été multipliée ou via une double-page qui est tellement bien insérée dans le récit que son apparition paraît naturelle.
L’un des seuls points négatifs de Rouge Éclipse, c’est son dessin véritablement inégal. Autant Shiki KAWABATA peut sortir des cases magnifiques dans lesquelles on ressent toute la beauté d’Ayumi, autant on peut se retrouver avec des planches qui feraient passer un Yoshihiro TOGASHI des mauvais jours pour un génie. Ajoutez à cela des arrière-plans assez vides et des trames pas toujours bien utilisées et vous obtenez un graphisme malheureusement difficile pour le non-initié…
En ce qui concerne le produit proposé par Akata, il n’y a pas grand chose à redire ; les habitués n’auront aucune surprise et c’est tant mieux. L’éditeur renforce sa collection M avec un titre qui suit les mêmes contraintes d’éditions que les précédents ajouts : petit format, papier bien choisi et surtout une traduction/adaptation d’une fluidité exemplaire (c’est un peu la marque de fabrique de l’éditeur).
Il ne faut pas juger une BD à son niveau de dessin ?
Graphisme - 42%
Histoire - 70%
Mise en scène - 85%
Originalité - 65%
Edition - 75%
Dans son genre - 72%
68%
Body Swap
Avec ce petit "je ne sais quoi" qui nous pousse à lire ce premier tome sans s'arrêter, Rouge Éclipse reste un titre dans la plus pure tradition Akata. Son héroïne est forte, intéressante et devra puiser dans ses resources pour s'adapter à une situation difficile qui ne sera malheureusement pas facilitée par son entourage.